Sur les sentiers du passé
- 14 févr. 2018
- 2 min de lecture

Te souviens-tu de ce sentier de forêt, que nous empruntions toi et moi, pour marcher côte à côte, petit serpent de sable caché au fond des bois, hors de l'espace et du temps, qui nous mena tant de fois sur les traces du péché originel?
Nous y allions respirer ensemble, nous aimer et restaurer notre vision du monde. Car en cet endroit, elle ne pouvait être que belle et positive.
J'y suis retourné aujourd'hui, pour raviver l'espace d'une marche ces moments suspendus perdus à tout jamais. Je pourrais te dire que rien n'y a vraiment changé.
L'automne y a déroulé un tapis craquant et sonore, fait de multiples rousseurs délicates et changeantes.
Les feuilles et les brindilles, mortes de l'hiver qui approche, côtoient les glands et les châtaignes, en un décor de noël.
Quelques flaques éparses se font témoins involontaires du passage d'habitants de ces lieux, qui ont marqué de leurs empreintes plus ou moins profondes ce territoire où ils sont rois, comme un numéro de boîte postale, comme un "je suis chez moi".
L'air qui circule dans ce chemin est toujours agréable, sain et vivifiant, dédicacé par la forêt de ses odeurs profondes, signature inimitable et sans autre pareille.
J'ai parfois l'impression qu'il subsiste, dans ces molécules qui s'agitent et que je respire jusqu'à l'hyperoxie, des particules de toi. Chaque fois que j'inspire, je cherche à y capter les fragrances de l'émoi qui me serrait le coeur lorsque, visage enfoui dans ta nuque, je te respirais toi.
Non, rien n'a vraiment changé. Et pourtant... rien n'est vraiment pareil.
Il y manque désormais ton rire, pour égayer jusqu'au chant des oiseaux, et il y manque tes yeux pour rehausser les couleurs et rendre tout ça plus beau.
Il y manque tes pas pour faire écho aux miens, pour diriger ma marche et savoir où je vais.
Il y manque tes mains qui venaient se loger dans le creux de mes paumes, et sans lesquelles les miennes ne servent plus à rien.
Je les envoie parfois à la recherche de toi, geste hérité du passé, réflexe mémoriel, pour ne trouver que le vide, le rien et ton absence. Elles se sentent si inutiles et seules, ces cages aux barreaux amoureux faits de douceur et de doigts, et dont la seule porte, celle qui te retenait auprès de moi, n'était autre que cet amour que tu avais pour moi.
Il y manque tes oreilles pour écouter ce que j'ai à te dire, il y manque ta voix pour me dire "je t'aime".
Enfin, il y manque seulement toi.
Et ces silences me pèsent, et cette absence me tue.
Il a fait beau, aujourd'hui, et j'ai voyagé dans le passé, un retour sur mes pas, guidé par ma mémoire.
Je vais avoir l'air con, un vieux de préférence, car je dirais volontiers que c'était mieux avant.
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